Merveilleux Coréens qui, après la proclamation de la loi martiale, puis sa levée 6 h après, malgré les excuses du président (oups !), n’ont pas désarmé en manifestant tous les jours aux cris 탄핵 (destitution) ou encore 체포하리(arrêtez-le). Le Parlement a suivi la foule et la motion de destitution a été votée. Le président a annoncé, malgré sa « frustration », sa démission. La destitution, acte extraordinaire par nature n’est pas une nouveauté en Corée. Le président Roh Mu-hyeon avait été soumis à une procédure de destitution mais l’accord constitutionnel avait rejeté cette procédure. La présidente Park Geun-hye, à la suite de multiples scandales avait été aussi suspendue puis destituée et emprisonnée pour corruption. Cette fois, c’est le président Yun Seok-yeol qui a été confronté à cette procédure.
C’est à la rue que la Corée doit cette première étape vers la sanction la plus lourde. Depuis le 3 décembre les manifestations grandissent tous les jours jusqu’à atteindre deux millions de personnes devant l’Assemblée nationale, le jour du vote de la destitution. Mais le plus extraordinaire n’est pas seulement dans le nombre, ni dans l’âge moyen des manifestants, les collégiens se mettant de la partie. Le merveilleux réside dans l’état d’esprit des manifestants, bravant le froid, présents tous les jours, y compris les jeunes familles avec leurs bébés. C’est avec des bougies allumées que les manifestants défilent dans les rues. Ces bougies, ou bâton lumineux appelé light sticks (응원봉) et sources lumineuses possibles donnent le ton des manifestations sur la base de slogan : 나라가 어두울 때 지방에서 가장 밝은 것을 갖고 나온다 « Quand le pays traverse une période obscure, il faut lui apporter la lumière ». Les manifestations aux bougies sont nées au moment de l’importation du bœuf américain en Corée en 2008, reprises pendant les manifestations en 2017 contre la présidente Park Geun-hye. Lumières, concerts de rock, manifestations avec les poussettes de bébé (et les bébés à l’intérieur) en tête de cortège pour éviter la charge policière, mais aussi policiers nourris avec du café et des viennoiseries apportées par des manifestants dans ces journées froides de l’hiver 2016-2017. Cette fois encore, les manifestations de solidarité ont été particulièrement émouvantes : célébrités du cinéma et de la chanson ont commandé des camions entiers de nourriture pour les manifestants ; des sympathisants ont fait des courses dans les magasins et les ont apportées sur les lieux de la manifestation ; des Coréens de l’étranger ont commandé par internet des boissons, du café en grand nombre, à destination des manifestants. Le grand mouvement n’est pas sans rappeler le soutien de la population au moment de la crise asiatique de 1997 quand les Coréens ont apporté au gouvernement de Kim Dae-jung leurs bijoux en or pour rembourser la dette du FMI. Au travers de cette campagne, alors que le pays fournisseur déjà des efforts sans précédent pour sortir de la crise, les Coréens multipliaient les sources d’économie pour offrir au gouvernement la possibilité de rembourser la dette. Deux milliards de dollars avaient été alors récoltés. Les manifestations contre Yun Seok-yeol procèdent donc d’une longue filiation. Lorsque le pays est un danger, les Coréens font valoir l’idéal de la nation, en quelque sorte. Voilà encore un peu d’espoir dans ce monde qui vacille de tous côtés, avec ceux que l’on appelle déjà les K-citoyens.