Secrets

Les temps nouveaux appellent à la transparence, au dévoilement, et lorsque l’époque s’emballe c’est la pornographie, le déballage public de la sphère intime. Plus pornographique qu’un film pornographique, il y a la télé réalité. Elle est son acmé. Paradoxalement, tandis que s’offre au regard public le moindre trémoussement  d’une vie ennuyeuse ou du vide d’une pensée le secret n’a jamais été autant protégé dans les sphères du pouvoir. est-ce le voyage dans les anciens pays socialistes, autrefois berceaux de la culture européenne,  qui reviennent en moi autant de belles pages lues que de secrets bien gardés ?

Le secret, nous l’éprouvons dans la dureté des lieux, à Prague, à Budapest, à Minsk, à Berlin-Est, où il est aisé de penser que des destins se sont faits et défaits sous la férule d’édiles incultes et bornés.

Au musée du communisme à Prague, nul couloir, nulle salle qui ne rappelle l’idée des temps d’autrefois remplis d’espoir en l’humain métamorphosé en période de terreur qui nous fit oublier le but même qu’elle se proposait d’atteindre. Les armes, les capotes militaires, les casquettes de généraux fusillés ou casquettes de généraux commandant les pelotons d’exécution, instruments de tortures ne m’ont pas glacé d’effroi plus que la petite table de bois et les deux chaises, de bois aussi, de part et d’autre du bureau, où ont dû s’observer l’officiant et le prévenu, coupable forcément, sinon, comment justifier sa présence ? La vue de ce décorum dépouillé dans une salle minuscule et sombre m’a glacé le sang, tandis que défilait dans ma mémoire le film L’aveu. Je n’ai pas eu à imaginer la scène d’un interrogatoire dans cette pièce muette où tout être humain était absent. Les Souvenirs de la maison des morts de Dostoïevski, et l’œuvre de Soljenitsyne me sont revenus.

Dans son opuscule intitulé Secrets, Claudio Magris distingue parmi les dictateurs, tels Hitler et Staline celui qui inspira la plus grande terreur par l’usage maladif qu’il fit du secret. Staline remporta la première place. Il rappelle dans ce même passage qu’Eduard Goldstucker, professeur de littérature allemande et grand critique de Kafka fut arrêté après le Printemps de Prague. Demandant au sbire de quoi il était accusé, il reçut pour réponse une gifle lui enjoignant d’avouer ses fautes secrètes. J’étais à Prague, le pays qui avait autrefois élu pour président de la République un écrivain.


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